Le technicien belge s’érige en défenseur des entraineurs camerounais au détriment de ses confrères européens. Dans cette interview exclusive accordée à Giga-foot.com, il fait également une lecture critique du football camerounais.
Quelle image aviez-vous gardé du football camerounais pendant vos trois premiers séjours au Cameroun ?
Il faut dire que j’ai chaque fois gardé de bons souvenirs. La 1ère fois que je suis arrivé au Cameroun, c’était par un concours de circonstance. J’étais à la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2004 où j’ai rencontré le Pr Tsala qui m’a donné la chance de venir au Cameroun. Au départ, c’était pour une durée de quatre mois, mais au finish j’y ai fait huit mois. Après Emmanuel Mabouang Kessak m’a mis en contact avec Joseph Mbanga qui m’a recruté au départ comme conseiller au sein de son club Achille FC de Sa’a. La troisième fois que je suis arrivé au Cameroun, c’était au sein de Lion Blessé de Fotouni. Quand j’étais avec Ihifa (un centre de formation de la Ligue régionale de football du Centre, ndlr), j’ai eu la chance d’être avec plusieurs entraineurs expérimentés ; c’était un bon centre de formation parce qu’il y a plusieurs de ses joueurs qui ont ensuite intégré différentes équipes nationales. Quand je suis arrivé à Achille de Sa’a, nous avions une très belle équipe. En Ligue régionale, nous avions disputé et remporté 14 matchs ; mais aux interpoules à Ebolowa, on n’a pas pu accéder en 1ère division. A Fotouni, ce n’était pas mal. je pense qu’à cette époque-là, on faisait plus confiance à des joueurs camerounais que maintenant où il y a de plus en d’étrangers qui ne sont pas forcément meilleurs que des joueurs camerounais ou des jeunes qui sont dans les divisions ou dans des centres de formation et qui ont fini plus ou moins fini leur formation.
Bien que parti du Cameroun il y a plusieurs années, vous continuez à suivre l'actualité du football de ce pays. Quelle lecture en faites-vous aujourd’hui?
Je ne dirai pas que le football camerounais a régressé, mais par rapport à nos années, les joueurs ne peuvent plus se plaindre de ce qu’ils jouent dans la poussière. Il y a maintenant de bons stades. Le football camerounais se met déjà à un bon niveau. Le Cameroun reste d’ailleurs un grand pays de football.
Pour vous que doit on faire à ce football son lustre d'antan ?
Depuis quelques années, le football camerounais souffre de l’absence d’un championnat de jeunes notamment des U15 et U18. C’était bien parti avec la mise en place d’une Ligue de football jeunes. Mais c’est dommage qu’elle n’ait pas pu fonctionner normalement cette saison. Les dirigeants du football camerounais devraient beaucoup travailler avec les centres de formation ; les aider peut être avec de l’argent, mais en leur donnant le matériel nécessaire. Il y a beaucoup de centres de formation qui sont livrés à leur sort. Il faut aussi que les championnats aient un chronogramme qui soit respecté. Aussi les championnats régionaux devraient avoir entre 14 et 16 matchs par saison. Pour les 1ère et 2ème divisions, il faut juste essayer de faire que le championnat démarre à une date bien précise et s’achève à une date bien précise.
Malgré les critiques, il y a un fait irréfutable. Les sélections nationales ont quand même remporté plusieurs titres au niveau continent africain. Notamment la Can sénior (2017) et la Can cadette (2019). Ces titres ne sont ils pas les preuves d'une bonne santé du football au Cameroun ?
La santé est là, maintenant, il faut voir au niveau de la structure des clubs. Le championnat est souvent à l’arrêt parce qu’on promet des subventions qui n’arrivent pas à la date attendue. C’est vrai que l’équipe fanion du Cameroun a remporté la Can 2017 avec un entraineur Européen Hugo Broos qui avait comme adjoints plusieurs Camerounais dont Alexandre Belinga. Le Cameroun a gagné cette Can parce qu’il y avait une bonne équipe. Revenant à l’équipe cadette, elle a aussi gagné la Can parce qu’elle avait un excellent entraineur en la personne de Thomas Libih. C’est regrettable qu’après cette victoire, il ait eu tous les problèmes du monde parce qu’on voulait lui imposer des binationaux au détriment des enfants qui ont qualifié l’équipe. Je pense que si on laissait les entraineurs pendant plusieurs années et non faire des retournements de situation chaque fois, le football camerounais irait encore mieux.
Pensez vous qu'il y ait au plan local des entraîneurs à qui ont peut confier les rênes l'équipe nationale fanion ?
Bien sûr ! Il y a des entraineurs qui sont doués au Cameroun, qui ont prouvé des années auparavant, mais qui n’ont pas le même statut qu’un entraineur européen. Sans vouloir m’attaquer à l’entraineur Portugais qui est là, il y a des choses que je ne comprends. Quand vous devez faire la Can chez vous, il faut le faire avec des entraineurs camerounais qui sont doués et peuvent bien tenir cette équipe nationale. Il suffit de les mettre en duo ou en trio. Il y a certains pays africains qui ont montré que c’était possible. Je pense qu’au Cameroun, il y a des entraineurs plus que capables d’entrainer leur équipe nationale fanion.
Mais on reproche souvent aux entraîneurs locaux le manque d'autorité face aux joueurs qui peuvent être leurs employeurs. Comment peuvent-ils réussir?
Tous les joueurs appelés en équipe nationale sont des Camerounais. Ce n’est pas parce qu’ils jouent à l’étranger qu’ils cessent d’être Camerounais. Parlant de charisme, chacun a son caractère, un entraineur de club ou d’équipe nationale reste le maître. Les joueurs sont payés pour jouer et quand ils viennent jouer pour leur nation, ils devraient en être fiers. Il ne revient pas à un joueur de dicter une conduite en équipe nationale. S’il est vrai que les joueurs sont souvent mieux payés que les entraineurs, il faut qu’en équipe nationale, qu’on donne les mêmes contrats aux entraineurs camerounais qu’aux expatriés. Ils peuvent faire mieux s’ils sont au même piédestal que les Européens. Puisqu’ils connaissent mieux le terrain ; ils sont camerounais, ils habitent au Cameroun. Contrairement aux entraineurs Européens qui pour la plupart viennent pour dix jours et repartent. Rares sont ceux qui regardent les matchs de 1ère ou de 2ème division. Ce n’est pas parce qu’un entraineur camerounais est moins payé qu’il n’a pas les qualités requises ; il faut juste qu’on leur donne leur chance avec un salaire décent et ils feront mieux que les entraineurs Européens.
Pour sortir de cet entretien, que devient Daniel Claesen?
Je suis chez moi Belgique. Je devais revenir en Afrique, mais à cause de ce virus, je suis encore bloqué. Il y a 80% de chance que je revienne au Cameroun.
Interview réalisée par Gaël Tadj