Bernard Dedou: « Un championnat à 20 clubs sera quantitatif et non qualitatif »

Le directeur sportif de Feutcheu FC a été rencontré à Bandjoun. Dans cette interview, il évoque en toute aisance les sujets majeurs de l’heure. Mais il également, il jette un regard critique sur son équipe et son président. Des révélations inédites à lire absolument.

Comment avez-vous accueilli la nouvelle de l’arrêt définitive de la saison sportive ?

C’est avec beaucoup d’amertumes que nous avons accueilli cette nouvelle. Nous avons cru que la fédération pouvait trouver un moyen parmi tant d’autres de faire que le championnat arrive à terme ; mais malheureusement, les dirigeants du football camerounais ont pris la décision d‘arrêter. Nous avons accepté cette décision pas de gaieté de cœur. Puisqu’il a été dit que la décision a été prise après concertation de tous les acteurs du football, nous ne pouvons que nous plier.

Croyez-vous que Feutcheu FC avait encore une carte à jouer en championnat ?

Bien sûr ! Feutcheu FC avait encore une carte à jouer surtout que nous devrions rencontrer nos concurrents directs. Déjà, nous étions à 6 points, soit à deux matchs du leader PWD qui devait être notre prochain adversaire à Bamenda. Nous étions confiants parce que nous gagnons toujours nos matchs à Bamenda sans problème.

Avec cet arrêt, Feutcheu FC termine une autre saison sans titre. Pour vous, qu’est-ce qui ne marche dans cette équipe alors qu’il se dit que le président y injecte beaucoup d’argent ?

On ne peut pas dire que notre saison a été ratée parce que le championnat n’est pas arrivé à son terme. Si le championnat était arrivé à son terme, on pouvait parler de ce manque de réussite. Il faut savoir que Feutcheu FC est une jeune équipe, arrivée en Elite One il y a juste quatre saisons. Et depuis notre montée, nous avons toujours fini le championnat dans le top 5. La saison dernière, nous étions 3ème, mais cette saison, le championnat n’est pas arrivé à son terme. Rien n’indique que si le championnat arrivait à son terme, on ne pouvait pas sortir champion.

Quelle évaluation faites-vous globalement de la prestation de Feutcheu FC cette saison ?

Je pense que nous avons fait une très bonne prestation. C’est vrai qu’à un moment, nous avons fait un passage à vide dû à la saturation des joueurs. En ce moment-là, il y avait des joueurs à l’infirmerie et les autres avaient accumulé beaucoup de matchs. Au moment où on arrête le championnat, notre équipe était en pleine ascension.

Qu’est-ce qui a empêché à Feutcheu FC d’être au sommet cette saison ?

La saison n’est pas arrivée à son terme. Mais nous étions 5ème, à 6 points du 1er et il y avait encore six matchs à jouer. Vu la qualité des joueurs que nous avions, la possibilité de prendre ce titre. Il ne faut pas ignorer que dans notre effectif, nous avions trois joueurs en course pour le titre de meilleur buteur. Notamment Jakba Junior (8 buts) ; Derick Kameni (7 buts) et Ebene (7 buts). Si on avait continué, étant donné que notre attaque respirait la forme, notre équipe respirait la forme, Feutcheu FC pouvait être champion.  

Ce que d’aucuns appelleraient un autre échec de Feutcheu FC, n’est-il pas en partie dû à l’influence négative du président Joseph Feutcheu dans la prise de certaines décisions dans le staff technique ? On a par exemple vu arriver un expatrié au moment où l’équipe avait le vent en poupe sous les ordres de René Essomba; s’en est suivi des contreperformances avec l’expatrié avant que le président ne décide de remettre l’équipe à René Essomba...

Ceux qui disent qu’il y a eu changement de coach n’ont pas bien compris les choses. Cette saison sportive nous avons eu affaire à deux coachs à savoir Guy Bertin Djiepnang qui a fait tout le recrutement. Je dois d’ailleurs reconnaitre que son recrutement était très bon. Il a pris des jeunes joueurs qui sortaient du néant et ont produit un bon rendement en première division. Ils étaient au moins au nombre de cinq, titulaires dans l’équipe. Quand le coach Djiepnang arrivait, il savait qu’il devait travailler avec le coach Essomba. Mais en cours de chemin, il n’a pas accepté d’être le directeur technique comme on s’était convenu au départ. Il a pensé qu’il pouvait faire valoir ses services ailleurs, mais c’est contre notre gré que nous l’avons laissé partir. Nous savions qu’il formerait avec Essomba, un duo qui nous permettait d’atteindre nos objectifs. Concernant Soner Edermus, il n’est pas arrivé à Feutcheu FC comme entraineur, mais comme directeur technique. Ceci a été négocié avant qu’il ne parte de la Turquie. Il tombe à moment où Essomba avait quelques petits soucis, malgré cela, il n’a jamais été au banc de touche de Feutcheu FC parce qu’il fallait que nous ayons tous ses papiers confirmant qu’il a des qualités pour être directeur technique au Cameroun. Pendant qu’on cherchait à mettre les choses au clair, il a demandé une permission pour retourner dans son pays. Pendant qu’il y était encore, la pandémie de coronavirus est arrivée avec ce que cela comporte. Je ne sais pas s’il avait encore l’intention de revenir parce que j’ai suivi dans les médias, des déclarations indignes. Et j’ai tenté en vain de le joindre pour comprendre exactement de quoi il parlait. Cette saison, je ne vois pas en quoi le président Feutcheu s’est mêlé dans l’encadrement technique.

Il se dit aussi qu’à un certain moment, c’est le président Feutcheu qui fait les choix des joueurs qui jouent ou qui ne jouent pas. Vous qui êtes dans l’entourage de cette équipe, avez-vous déjà été témoin de pareille immixtion dans le travail du staff technique ?

Vous les journalistes pouvez appréhender un certain nombre de choses. Je suis avec Feutcheu FC depuis 4 ans. Je sais que le président de cette équipe est un passionné du football, mais à ma connaissance, je ne l’ai jamais vu imposer un joueur à un entraineur. Cependant il n’est pas exclu qu’il puisse faire des propositions. J’ai moi-même souvent fait des propositions. Un jour avec le coach Djiepnang, deux jours après un match, il est venu me féliciter parce que j’avais donné mon avis sur un remplacement qui avait permis de gagner le match. Quand le coach Towa était là, pour faire certaines choses, il essayait de me consulter parce que ce n’est pas à Feutcheu FC que je suis dans l’entourage du football. Je suis un vieux dirigeant de club depuis des années. J’ai longtemps été dans le staff dirigeant d’Union de Douala. Ce qui me permet certes sans être entraineur, d’avoir une petite expertise dans le domaine du football. Si le coach accepte une proposition que je fais, ça ne veut pas dire que je me substitue à lui. Le président Feutcheu peut avoir des propositions, mais il n’impose rien. Car ce qui importe, c’est la victoire.

Après cette saison se soit achevée, quelle équipe de Feutcheu FC pour la prochaine saison ?

Nous comptons maintenir les meilleurs de nos joueurs de cette saison et essayer de palier aux différentes difficultés que nous avons rencontrées à certains postes. Nous comptons démarrer la prochaine saison avec l’intention de jouer les premiers rôles.

Quels sont les postes à renforcer ?

Nous allons renforcer à tous les compartiments. Il nous faut deux défenseurs de métier ; au milieu de terrain, il nous faut deux ou trois joueurs,  autant qu’en attaque.

Avez-vous ciblé des joueurs ou vous allez procéder par des tests de recrutement ouverts à la masse ?

Si je prends l’exemple de la saison passée, nous avons lancé le recrutement, les joueurs sont venus et se sont exprimés. Nous avons retenu les meilleurs d’entre eux et ils nous ont montrés leurs preuves. Il y a certains joueurs du championnat qui souhaitent venir chez nous ; nous avons pisté des joueurs dont les noms seront dévoilés en temps opportun. En ce qui concerne le poste de gardien de but, nous sommes souvent trompés en croyant avoir trouvé un bon remplaçant à Eric Sadjo. Mais cette fois, nous avons un jeune qui gagne en maturité au fil des années et un autre qui est arrivé et nous l’avons mis en observation pendant longtemps. Nous aurons trois gardiens de but la saison prochaine.

Il y a des anciennes gloires qui ont exprimé le désir de tenter une autre chance dans le championnat camerounais. Est-ce possible d’avoir l’un de ces joueurs à Feutcheu FC la prochaine saison ?

On ne peut jamais dire que rien n’est impossible. Tout est possible. Il y a Jean II Makoun, il y a Charley Fomen qui sont au pays. Mais tout doit se jouer sur le terrain, on ne va pas jouer avec les noms. La saison dernière, il y a le jeune Ntamack qui est arrivé venant de la 2ème division régionale du Centre, on a vu de très bonnes qualités en lui et il a été titulaire pendant tout le championnat. Il y a le jeune Ipémé Stéphane arrivé alors qu’il n’avait jamais quelque part. Il a commencé comme défenseur central et a fini comme milieu défensif et a fait très bonnes choses. Il y a aussi le jeune Tsamo Loïc qui est arrivé et s’est démarqué. Ce sont des joueurs arrivés d’eux-mêmes et ont montré des choses meilleures que beaucoup de joueurs qui étaient déjà en Elite One. Donc nous n’allons pas jouer sur le nom, mais sur la valeur intrinsèque de chaque joueur qui va venir.

Vous avez dit plus haut que Feutcheu FC compte jouer les premiers rôles la saison prochaine. Est-ce dans cette optique que vous n’avez toujours pas libéré vos joueurs ?

Nous n’avons pas libéré les joueurs pour une raison évidente. Il y a cette pandémie de Covid-19 qui est entrain de sévir. Nous pensons qu’en laissant les enfants aller se balader n’importe comment, un joueur peut contracter ce virus alors que s’il reste confiné à Bandjoun, nous avons le contrôle sur lui. Nous ne permettons pas que nos joueurs se baladent dans la ville n’importe comment. Nous les gardons et leur donnons de quoi survivre.

La reprise immédiate des entrainements à Feutcheu FC, c’est pour préparer quelle compétition ? La Coupe du Cameroun ?

Les gens ont mal interprété les choses. La semaine surpassée, j’ai demandé aux joueurs qui, de temps en temps travaillaient en groupe de trois au siège du club. Je leur ai demandé d’arrêter pour une semaine avant de reprendre. Les gens ont déduit que nous avons déjà repris les entrainements. Toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour qu’on reprenne. C’est la fédération qui doit décider de la reprise du championnat afin que nous reprenions avec les entrainements. Si nous le faisons, nous violons les décisions des dirigeants de notre pays.

Le championnat Elite One passe désormais à 20 clubs. Pensez-vous que ça va augmenter ou baisser le niveau de ce championnat ?

J’ai toujours qu’on ait un championnat avec 12 clubs pour espérer avec des équipes dignes de ce nom. En passant à 20 ou à 21 comme c’est envisagé si le TAS donne raison à New star dans le litige qui l’oppose à la Fécafoot. Avec plusieurs équipes, c’est n’importe quel joueur qui se retrouve en première édition. Un championnat à 20 clubs sera quantitatif et non qualitatif.

Interview réalisée par Gaël Tadj, à Bandjoun


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