Interview: Un président de club se lâche et crache le feu sur Eto’o et Seidou Mbombo Njoya

Achille Biakan, manager général de Cask FC de Bafoussam trouve méprisant et insultant l’appui apporté aux joueurs et encadreurs d’un championnat supposé professionnel. Pour lui, c’est un aveu d’échec des dirigeants de la Fécafoot. Il s’est confié à www.giga-foot.com dans une interview à lire absolument.

« On n’aide pas un joueur avec deux ou trois kilos de riz. C’est plutôt de l’insulte envers les footballeurs »

Quelle lecture faites-vous des mesures prises par la Fécafoot en faveur des footballeurs locaux en cette période de coronavirus ?

La Fécafoot voudrait bien faire, mais cela aurait dû passer par un diagnostic au niveau des responsables des clubs professionnels et amateurs.  L’aide financière accordée aux footballeurs, footballeuses et entraineurs, a soulagé ces derniers. Puisque du fait de l’arrêt des championnats depuis deux mois à cause de la survenue du coronavirus, ces acteurs vivaient déjà le calvaire parce que les clubs ne plus payaient les primes, les salaires, les logements...La somme reçue a donc permis à ces joueurs, joueuses et encadreurs de régler leurs dettes. Mais il est important de savoir qui est derrière cette initiative. Est-ce le Comité technique transitoire (CTT) ou la Fécafoot ? Quand on parle de clubs professionnels, ça doit en principe être le CTT. On doit nous dire que le CTT a aidé les clubs professionnels et non la Fécafoot parce qu’elle n’a pas le droit d’aider les clubs professionnels. La Fécafoot a le droit d’aider les clubs amateurs. A propos des dons de Samuel Eto’o, je dirai que la Fécafoot a foutu le bordel. Eto’o a joué au football et sait de quoi ont besoin des joueurs. Les joueurs n’ont pas besoin du riz en cette période. La Fécafoot aurait dû conseiller ceux qui sont autour de Samuel Eto’o qu’il puisse aussi soutenir financièrement les joueurs. Je me souviens que le président du syndicat des footballeurs, Gérémi Njitap lorsqu’il visitait les clubs pouvaient aussi donner du riz, mais il a préféré donner des paires de godasses à tous les footballeurs. Ça veut dire qu’il avait compris que les footballeurs ont besoin des chaussures pour jouer au football. Que Samuel Eto’o comprenne que si on venait à reprendre le championnat, les joueurs auraient besoin des équipements. D’autres ont besoin d’argent parce que la plupart des clubs ne respectent plus leurs engagements envers les joueurs. On n’aide pas un joueur avec deux ou trois kilos de riz. C’est plutôt de l’insulte envers les footballeurs. Je pense qu’Eto’o lui-même, quand il était à l’équipe nationale, n’acceptait pas certaines choses. S’il n’a pas voulu certaines choses, pourquoi aujourd’hui, il doit insulter ses petits-frères qui pratiquent le même football. Ceci permettra de comprendre facilement qu’au Cameroun, il n’y a pas de football professionnel Jojo (Joseph Antoine Bell) qui a dit qu’on est entrain de former des voyous. C’est ce qui est entrain de se prouver.

N’est-ce pas précoce de faire le procès du nouvel exécutif de la Fécafoot ? La professionnalisation effective des championnats camerounais n’est-elle pas un processus qui doit prendre un peu de temps ?

« Si on peut faire un championnat avec huit clubs ou chacun est prêt à respecter un cahier de charge sérieux, je pense que le football va véritablement retrouver ses lettres de noblesse au Cameroun »

Le processus ne doit pas prendre du temps. La Fécafoot doit comprendre que c’est elle qui a voulu prendre en charge l’organisation du football professionnel. Nous savons bien qu’avec la Ligue de football professionnel du Cameroun (Lfpc), le général Semengue était dans un combat permanent avec les clubs pour les pousser à être professionnels. Mais les présidents de club pensaient que le Général allait trop loin parce qu’on leur imposait un cahier de charge et un budget minimum à présenter avant le début de la saison. Il n’y a rien de professionnel quand les clubs doivent attendre la subvention pour démarrer la saison. Il faut que cela s’arrête. Si on peut faire un championnat avec huit clubs ou chacun est prêt à respecter un cahier de charge sérieux, je pense que le football va véritablement retrouver ses lettres de noblesse au Cameroun. On ne peut pas faire des omelettes sans casser les œufs. Il faut que les dirigeants de la Fécafoot comprennent qu’ils ne sont pas là pour aider les clubs professionnels. Ce qu’elle doit faire, c’est de soulager le problème à la base. Malheureusement, on se rend compte que malgré tout ce qui est fait, le football professionnel a toujours plus de problèmes que le footballeur amateur. Le CTT doit chercher ses partenaires pour sponsoriser ses clubs professionnels et nous laisser avec le président de la Fécafoot qui est notre président (des clubs amateurs).  Le président Mbombo Njoya est là grâce au football amateur d’abord. Mais on constate avec amertume que dans toutes ses sorties, il ne fait même pas allusion à nous, mais parle plutôt du football professionnel. Après deux ans de règne qu’a-t-il déjà fait au profit du football amateur ? Nous avons payé les licences, l’affiliation, on paie les déplacements, les médecins...Nous payons tout, mais on n’a rien. Quand il faut venir subventionner les gens dans une période difficile, on pense d’abord au football professionnel pourtant les clubs ont eu le financement en début de saison. Nous n’avons rien alors que nous avons plus de joueurs affiliés à la fédération. Si la fédération ne veut plus s’occuper du football amateur, qu’elle nous dise et on va voir comment créer notre fédération.

Quelle est votre posture au sujet de la polémique sur la reprise ou pas des compétitions de football au Cameroun ?

Je peux dire que la Fédération a au moins compris quand elle dit attendre les orientations du gouvernement. C’est le gouvernement et c’est un problème de maladie. La Caf a dit aux fédérations de faire leurs plannings et de dire ce qu’elles pensent. C’est donc à chaque fédération de faire son planning. Je pense qu’ici, on doit reprendre notre championnat après que le gouvernement ait pris des mesures. Si cette maladie persiste, on annule le championnat. Mais on ne peut pas dire que PWD de Bamenda est champion et que Tonnerre de Yaoundé descend puisqu’il reste encore six journées. Et en six journées, beaucoup de choses peuvent encore se passer. C’est quand même 18 points à prendre. Je prends par exemple le cas de Fovu Club de Baham où je suis entraineur stagiaire. Nous sommes à quatre points du 2ème bien qu’étant 7ème. Donc on ne peut dire que tel est champion ou tel descend. C’est vrai qu’on peut nous opposer le fait qu’on a commencé le championnat au même moment, mais il ne faut pas oublier qu’il y a des clubs qui attendent les dernières journées pour faire des choses.

N’est-ce pas aller vite que d’envisager l’arrêt du championnat alors qu’on voit des pays comme l’Allemagne, l’Espagne plus touchés que le Cameroun par cette pandémie de Covid-19, mais qui ont déjà annoncé la reprise de leurs championnats ?

Si la décision dépendait de moi, j’aurai demandé qu’on joue à huis clos. Si la fédération peut apporter au gouvernement, des propositions bien argumentées dans ce sens, ce serait l’idéal.  Il n’est pas exclu que les pays qui ont déjà annoncé l’arrêt de leurs championnats puissent revenir sur leur décision. Puisqu’il faut présenter à la Caf ses représentant pour les compétitions africaines pour éviter de prendre des sanctions.

En tant que dirigeant de club amateur, acceptez-vous que vous soient imposées les mêmes mesures que les clubs professionnels ?   

En ce qui concerne le football amateur, il y a des régions qui n’avaient pas encore commencé le championnat ; à l’Ouest nous avions terminé la phase aller. Dans cette phase aller, toutes les équipes ont joué le même nombre de matchs. Ça veut que si on demande d’arrêter, on va le faire, on ne va pas perdre. En arrêtant, il faudrait que la fédération comprenne que tous ces clubs amateurs qui ont accepté d’arrêter par rapport à cette maladie doivent être subventionnés. Je prends le cas de mon Cask qui est avant dernier de sa poule. Mais si je gagne tous mes matchs de la phase retour, je sors champion. Et si j’accepte d’arrêter, il faut que pour la saison qui va suivre, qu’on ait à ne plus payer de licences, payer les déplacements...Et comme la fédération ne peut faire tout cela, on va seulement attendre la décision finale. Mais ce qui est certain c’est que si on arrête, la saison prochaine, on ne paie plus rien. Ceux qui veulent aller payer vont aller payer.

Réalisée par Gaël Tadj, à Bafoussam


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