Le président fondateur de NGV Academy appelle à une meilleure structuration du football camerounais afin lui permettre de retrouver son lustre d’antan. Dans cette interview, il parle également de son passage à Aigle Royal de Menoua, de ses objectifs avec NGV, de l’impact de l’arrêt de la saison sur les clubs amateurs, de la rivalité naissante Aigle-NGV...A lire absolument !
Comment avez-vous accueilli la nouvelle de l’arrêt de la saison sportive au Cameroun ?
Nous avons accueilli cette nouvelle avec beaucoup de tristesse. Parce que nous qui aimons ce sport avions toujours pensé que cette pandémie allait nous laisser achever notre travail. Je dis tristesse, parce qu’on n’a pas compris l’empressement des dirigeants de notre football à prendre une telle décision. Certes la pandémie est grave, mais il y a d’autres nations plus exposées que la nôtre qui ont trouvé une possibilité de continuer malgré cette pandémie.
Parmi les clubs les plus affectés par cette décision, il y a le vôtre. Comment Ngv avait-elle préparé sa saison et quels étaient ses ambitions ?
Je peux dire que nous sommes l’un des clubs les plus touchés en termes financiers parce qu’au début de la saison, nous avions mis d’énormes moyens afin d’aller jusqu’au bout de notre ambition qui était de monter en Elite Two. Reprendre tout à zéro n’a jamais été une chose gaie parce qu’on a dépensé et que le championnat est annulé. Si on avait eu la chance que notre fédération prenne en compte le tiers de nos dépenses, ça nous remotiverait pour relancer la saison qui viendra. Mais pour le moment, c’est le flou total ; on ne sait pas ce que la fédération compte exactement faire pour nous. Est-ce que nous aurions la ressource pour continuer ? Mais puisqu’on aime la chose, on verra bien le moment venu.
A combien peut-on estimer ce que NGV a investi et qui vole ainsi en éclat ?
Je n’ai pas encore évalué, mais les dépenses sont conséquentes. Il y a un car qu’on a acheté, des logements qu’on a construits ; on a fait un recrutement assez conséquent même s’il était pléthorique. Comparativement à la saison que je j’ai passée à la tête de l’Aigle Royal de la Menoua, c’est sensiblement la même chose pour un club qui est en Ligue régionale. Je n’ai pas ma comptabilité devant moi parce que vous me prenez au pif, mais les dépenses sont importantes.
Vous reviendrez la saison prochaine avec quelle NGV ? Une équipe renouvelée ou la même que celle que nous avons vue la saison qui vient de s’achever ?
Nous sont très confus sur ce point là. Est-ce que la fédération va nous aider à garder tous les joueurs que nous avions déjà ? Est-ce qu’on va recommencer ? Il y a tellement de questions qui viennent. Si le ciel s’éclaircit et cette pandémie est déclarée vaincue, nous allons parce que nous aimons ce sport, faire le maximum pour revenir avec une équipe beaucoup plus structurée et beaucoup plus ambitieuse. On sait bien que dans le sport, si on ne ménage pas sa monture, on n’ira pas loin. Le moment venu, vous aurez l’occasion de découvrir.
Parti de la tête l’Aigle Royal de la Menoua, vous avez mis sur pied NGV Academy. Comment se vit la rivalité Aigle - NGV à Dschang ?
Je suis embêté par le mot ‘’rivalité’’ parce que ma politique quand je viens à la tête de l’Aigle, c’est de développer le sport dans notre département. Il était question de mettre en place un centre de formation pour préparer la pépinière et envoyer au niveau supérieur c’est-à-dire dans l’équipe fanion à savoir Aigle qui pour nous, est un symbole dans tout le département de la Menoua. Malheureusement je n’ai pas été compris. Mais parce que je tiens à cette philosophie de développement par le sport, au lieu de laisser tomber parce qu’incompris, il vaut mieux passer au plan ‘’B’’ c'est-à-dire créer une académie qui me permettrait de mettre en route ce projet. Ma philosophie n’est pas une philosophie de rivalité, mais plutôt de développement du sport. Si ça avait été compris comme cela, c’est la Menoua qui aurait gagné.
Quand nous parlons de rivalité c’est davantage sur le plan sportif. Aigle contre NGV dans la ville de Dschang est aujourd’hui un match très attendu. Et cette saison, NGV a affronté et battu Aigle en Coupe du Cameroun. Comment était l’ambiance avant, pendant et après ce match ?
Le destin a voulu que NGV remporte cette partie sur Aigle. C’est un peu comme un fils qui bat son père. C’était une joie pour les supporters de NGV que nous sommes, mais c’était aussi une déception pour le président d’Aigle que j’ai été. Mon passage à Aigle m’a laissé un gout d’inachevé parce que c’était un passage de cœur et je n’avais pas pensé que les événements allaient prendre cette tournure, mais on ne va pas revenir dessus. C’était une joie pour les supporters de NGV, puisque c’était aussi une manière de nous affirmer afin que l’on comprenne que nous n’étions pas des démagogues, mais des personnes capables de réaliser ce qu’on promettait. C’était la fête, on a bu parce qu’on est des sportifs. En sport en principe, il n’y a pas de haine. Nous avions bu nos bières. La suite, on verra. Mais ça ne nous donne pas la prétention d’être Aigle qui est une équipe avec une histoire centenaire. Il faut du chemin pour arriver à la cheville d’un club comme celui-là. C’est juste un lion qui dort. Je souhaite que les gens qui prendront la tête d’Aigle avec notre support, nous fassent vivre cette joie-là à ce département.
Quels sont rapports avec la nouvelle administration d’Aigle Royal de la Menoua ?
Ce n’est pas tout le monde qui a cette éducation du fair-play. C’est avec beaucoup de désolation que je constate un sentiment de rivalité chez certains. Je reste ouvert ; à NGV, nous restons ouverts. Je pense d’abord que le sport est un jeu et que par le sport, on peut développer une jeunesse. Nous avons les bras ouverts. Tous ceux qui pensent qu’ils peuvent travailler avec nous à quelque niveau que ce soit pour que le sport se développe dans la Menoua, nous serons toujours là.
Est-il possible un partenariat Aigle-NGV ?
Naturellement ! Ma philosophie au départ en prenant la tête d’Aigle n’était pas de faire du m’as-tu-vu. Je n’avais pas d’intention politique comme certains ont allégué pour me combattre farouchement. Mais ma philosophie était de développer le jeune par le sport. Pour moi, si les gens sont intelligents et sages, ce partenariat devrait être établi. Et c’est la Menoua qui gagnera. Je prends un exemple, si on accorde nos violons, on peut s’engager de mettre l’équipe fanion en Elite Two et l’année d’après, on met NGV, puis AS Menoua...Dans cet esprit communautaire, on finira par avoir une Menoua forte dans ce Cameroun dans le domaine du sport. Là où ça se développe, les gens viennent.
Est-ce que ce n’est ce positionnement qui a déjà commencé cette saison avec tous les groupes du championnat régional de football de l’Ouest, dominés par les clubs de la Menoua ?
Je ne pense pas. Il s’agit du gaspillage d’énergie parce qu’on ne fonctionne pas en rangs unis. On est certes fort, mais quand on dispersé, on est faible. Si la saison était allé jusqu’à son terme, on n’aurait eu qu’un seul qui soit allé aux interpoules. Tous les autres ‘’forts’’ seraient faibles parce qu’ils ne sont pas passés. Et ça aurait ravivé des relents conflictuels. Imaginons un match Aigle contre NGV décisif pour les interpoules ! Ça peut produire dans la ville des animosités qui n’auraient jamais dû exister. Nous avons assez d’énergie dans ce département de la Menoua pour faire de très belles choses et avoir de très bonnes équipes. Mais en rangs dispersés, on n’y arrivera jamais.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis de la Fécafoot après cette saison blanche qu’elle a décidée ?
Nous souhaitons que les dirigeants de la Fécafoot soient plus humains dans leurs décisions ; moins égoïstes et qu’ils comprennent que les présidents de club se sacrifient pour faire tenir leur affaire. Je parle de leur affaire parce quand les fruits sont mûrs, ce sont eux qui en prennent les plus gros. Nous n’avons aucun soutien alors que c’est nous qui formons les joueurs qui iront dans les ‘’grands clubs’’ dans un ou deux ans. Il faut qu’il ait des personnes qu’il faut à la place qu’il faut pour que le Cameroun se développe véritablement et que notre football retrouve ses lettres de noblesse. Parce que le constat est clair, le Cameroun n’est plus cette nation de sport qui était crainte partout dans le monde entier. Ceci parce que la base a été fragilisée, les intérêts égoïstes se sont mis devant. Aujourd’hui, pour qu’un arbre donne de bons fumiers, il faut mettre le fumier autour. Et ce fumier-là, on n’en met plus et s’attend au miracle comme dans les églises où on croit qu’on va prier et tout va devenir bien. C’est faux. En sport, ce genre de mauvaise organisation se paie cash. Il faut que la Fécafoot prenne ses responsabilités.
Interview réalisée par Gaël Tadj, à Dschang